L’époque baroque, appréciait particulièrement les artifices, les objets à secrets ou encore qui semblaient être autre chose que ce qu’ils étaient. Le « Theatrum mundi » consistait essentiellement en l’art de la mise en scène et il n’y avait guère d’objets de l’architecture sacrée qui puisse davantage être mise en scène que l’orgue aux sonorités si riches et si puissantes qu’elles invitaient impérativement à ce que son aspect extérieur corresponde dignement à ses effets sonores.
Il n’y a guère de périodes où les buffets d’orgues ont été conçus de manière plus variée qu’aux 17e et 18e siècles. Dans certaines régions, on aimait l’uniformité, comme en France, où le centralisme était évident, alors que dans d’autres, on recherchait une diversité individuelle et parfois fantastique, comme dans le sud catholique de l’espace germanophone, où deux orgues ne se ressemblent guère.
Le jeu créatif avec la forme extérieure de l’orgue pouvait, dans certains cas, aller jusqu’à un point où l’orgue n’était plus reconnaissable, en tant que tel, ce n’est pas un hasard si, à cette époque, il y eut même des projets guère convaincants par ailleurs, du moins pour les grands instruments, d’orgues totalement dépourvus de tuyaux visibles de l’extérieur.
En règle générale cependant, si tant est qu’il y ait eu une règle dans ce contexte d’architectures fantaisistes et uniques, l’élément principal de la conception en « Capriccio » consistait à donner à l’orgue une forme que l’on n’attendait généralement pas de lui. Ce à quoi l’on pouvait s’attendre, c’était un buffet plus ou moins rectangulaire avec des tuyaux en hauteur, répartis sur un nombre impair de façades et de tours. La première variante, peu spectaculaire au premier abord, néanmoins étonnamment rare, était une répartition en nombre pair des façades (fig. 1).
Les orgues de chœur des églises abbatiales constituaient manifestement un terrain d’expérimentation particulièrement apprécié. Il s’agissait généralement d’instruments relativement petits, mais leur installation à l’intérieur des stalles et à proximité relative de l’autel représentait un certain défi. Ils devaient être placés de manière à ne pas gêner la vue sur l’autel et le chœur, aux moines ou moniales en prière. Une des solutions retenues consistait à construire des orgues avec des tuyaux « couchés », plus ou moins placés à l’horizontale et donc dénués de façades. (fig. 2 et 3)
Une autre solution, l’« orgue de chaire » de type autrichien, pendant symétrique de la chaire à prêcher, constituait en outre une construction très originale tant sur le plan conceptuel, que symbolique.
(Fig. 4)
Parfois, les orgues de chœur encastrés dans le mur disparaissent complètement à la vue. Seul alors, un panneau de façade plat dans le mur permet d’identifier le lieu d’installation. Mais même si de tels orgues sans buffet sont encore conçus avec beaucoup d’élégance et de goût, ils restent pratiquement invisibles depuis la nef.
La comparaison de taille entre les orgues de chœur de deux des plus importants monastères des Alpes et des Préalpes montre l’étendue de la variété des solutions apportées à des problèmes très opposés. L’orgue de chœur de l’abbaye cistercienne de Stams est un miracle de compacité : au milieu des stalles du chœur et partiellement intégré à celles-ci, il offre de la place pour douze jeux dans un buffet qui n’occupe qu’une surface d’environ six mètres carrés et ne dépasse pas un mètre et demi. En revanche, les orgues de chœur de l’abbaye bénédictine d’Ottobeuren dépassent toutes les normes. Deux jeux d’orgues sont installés symétriquement sur des galeries séparées au-dessus des stalles du chœur et dépassent même en taille certains orgues principaux comparables.
Dans certaines régions, il était d’usage d’immortaliser d’une manière ou d’une autre le ou les donateurs de l’orgue, ou encore les autorités en place. Cela prenait généralement, la forme d’une simple inscription, mais dans certains cas, l’orgue lui-même était transformé en monument à la gloire de son donateur. L’un des exemples les plus célèbres est celui de l’orgue de S. Maria del Populo à Rome, conçu par l’entourage de Gianlorenzo Bernini. Son « buffet » a la forme d’un chêne, armoiries du pape Alexandre VII son commanditaire.
En Autriche, il était d’usage d’apposer l’aigle bicéphale impérial à un endroit quelconque, mais il est rarement aussi visible que sur l’ancien orgue de Landeshut en Silésie. Ici, tout le positif est en forme d’aigle bicéphale. Ce symbole impérial ornait également, en Prusse de nombreux buffets d’orgues.
Tous ces exemples illustrent l’imagination débordante et la richesse de conception de cette époque et révèlent également à quel point un orgue n’était pas et ne devait pas être seulement une œuvre d’art audible, mais également visible, pour l’étonnement et le ravissement de ceux qui étaient amenés a le contempler.
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